Vendredi 26 avril
« Les phrases sont des aventures »
Gustave Flaubert
Cité par Yannick Haenel dans sa préface à la revue AVENTURES N°1 chez Gallimard
DES MOTS
Vendredi 26 avril
« Les phrases sont des aventures »
Gustave Flaubert
Cité par Yannick Haenel dans sa préface à la revue AVENTURES N°1 chez Gallimard
Mardi 16 avril
Psychose 8
La nuit passée pendant mon rêve j’ai vu une tombe
Pendent mes sommeils lourds au bout du matin
Dans mes jardins bientôt l’ange nu des Dombes
Il danse en robe été rouge sur le brigantin
Lundi 15 avril
L’hippocampe sur ses positions de recherche de vitesse
Un jeune merle au bec jaune vif ne juge pas utile de s’envoler à mon passage de roues.
Il ne craint rien, à juste titre, ni les deux écureuils presse-livres de part et d’autre du grand pin.
Je roule en pédalant ou pédale pour avancer et rouler.
Le vélo est magique, il combine la ligne et le cercle.
C’est en tournant en rond que j’avance, et je suis le moteur de cette révolution: le retour du même dans la progression.
Le vélo, c’est la machine à repasser le temps.
Ce n’est pas la poule d’eau qui va me contredire au moment où je longe son étang aux innombrables lys jaunes.
la cloche sonnant dix heures au loin acquièsce, elle s’y connait en temps qui passe.
Le vent s’oppose à ma progression et balance quelques gouttes sur mon casque qui en a vu d’autres.
Tête à tête avec la pluie, la route s’élève toute seule et je la suis, luisante de sueur, elle ouvre le vert amazone des fossés.
Pas de boucle aujourd’hui, je reviens sur mes roues et je cherche le jeune merle désinvolte avec son bec jaune tour de france.
Il s’est volatilisé.
Dimanche 14 avril
Souvenirs de la maison des corps 11
La mémoire n’a aucune parole
Elle ânonne des onomatopées tremblantes
Au seuil d’une porte
Qui refuse de s’ouvrir
Pourquoi se souvenir sinon pour
Continuer à s’échouer
Il édifie des petits tas de paroles
Contre le tsunami du temps
Barrages de mots dérisoires contre
Le pacifique déchaîné de son passé noyé
Vendredi 12 avril
Aperçus avant impression 10
J’ai voulu surprendre le jour
En ouvrant les yeux très vite
Mais la nuit le retient toujours
Si loin la-bàs, dans son gîte
J’ai voulu suspendre le jour
En accrochant la lumière
Mais le temps l’a trouvé trop court
Et je le cherche depuis hier
J’ai voulu comprendre le jour
En questionnant sa durée
Mais le soir était déjà là
Je suis allé me coucher
Mercredi 10 avril
Aperçus avant impression 9
Je ne sais que broyer du noir pour en faire des phrases, c’est l’encre qui me convient.
Celle qui réveille le blanc apathique des pages nues.
Le ciel bleu m’ennuie, l’uniforme ne me sied pas.
Les orages du crâne ont une autre gueule quand les éclairs de lucidité zèbrent les nuages de neurones si mal protégés par la dure-mère des méninges incendiées.
Mardi 9 avril
Apercus avant impression 8
Les longues herbes couchées par nos souffles de printemps indiquent la direction que prend le vent quand il croit
Aux grands arbres éperdus de puissance
Aux ciels peints avec les robes bleues de l’enfance
Au vol muet des grands oiseaux éphémères
Lundi 8 avril
Apercus avant impression 7
Le plafond du crâne descend lentement sur les paupières mauves et les méninges moites recouvrent mes yeux
d’un épais manteau de neurones fluorescentes, tu vois ce que je veux dire.
Alors les pensées se font chères et une idée m’éclaire avec sa voix de tête.
Dimanche 7 avril
Aperçus avant impression 6
Rien ne vaut les ailes d’un oiseau
Pour lisser les nuages de l’absence
Samedi 6 mars
Souvenirs de la maison des corps 10
La mémoire est constituée de l’amoncellement de nos vertèbres, de l’échafaudage branlant de nos côtes amères et de nos fémurs trop courts pour arpenter les routes qui mènent encore à l’origine du désastre.
Vendredi 5 avril
Psychose 7
Bouger oui mais comment?
Mes jambes portent sûrement quelque chose mais pas un tronc ou alors mes bras sont chargés de feuilles.
Mes épaules tombent sans cesse sur mes genoux à angle obtus et les pieds de nez se multiplient devant ma bouche dégoutante de dents, pourtant ma colonne palpébrale bien que rachitique avance droite comme un S majuscule et gauche comme une mâle adresse.
Jeudi 4 avril
Le petit hippocampe sur ses positions
Regardez vous celles qui battent des mains en trottant après les pigeons mécaniques?
Ceux qui s’immobilisent soudain convoquées par un infime relief du sol.
Celles qui jouent contre joues à être des petites filles sans modèle.
Ceux dont les larmes sont si proches des rires que leurs yeux se noient dans la joie d’être vivants.
Celles qui rient de tout leur corps, des yeux à l’extrémité de leurs orteils minuscules.
Ceux dont les jambes tremblotantes font tourner la balle de la planète à chaque pas décisif.
Celles qui s’essaient au langage et découvrent son pouvoir euphorisant sur les autres, sur les objets et sur les animaux qu’elles nomment avec une autorité de créatrices de mondes.
Ceux qui dorment le front déterminé et les poings têtus et qui à leur réveil offrent leurs visages lavés de tout chagrin comme surgis de l’origine du monde.
Mercredi 3 avril
Souvenirs de la maison des corps 9
Nos jambes ne nous portent plus, les creux poplités ne sont plus que peau plissée par la pesanteur des renoncements.
La force bondissante de nos mollets est encore inscrite dans nos cerveaux sous la forme d’un cerceau en feu que la cendre des années a peu à peu étouffé.
l’élan vital n’est plus qu’un vieux caribou boîteux dont les bois serviront à construire un bateau provisoire pour affronter la bonace à venir.
Mardi 2 avril
Apercus avant impression 5
La mémoire fabrique de faux papiers pour les réfugiés du souvenir
La mémoire sort la nuit et tapine dans les rues de l’avenir
La mémoire sert d’alibi à nos crimes d’oubli
Lundi 1er avril
L’hippocampe sur ses positions 7
Je m’attache à la corde puis me pend au jeu.
Le beau noeud coulant entre mes cervicales me retient de tomber du tabouret branlant de mes vieilles certitudes.