Lundi 28 janvier
« Ciel. Silence. Herbes qui ondulent. Bruit des herbes. Bruit de froissement des herbes. Murmure de la mauvegarde, de la chougda, de la marche-sept-lieues, de l’épernielle, de la vieille-captive, de la saquebrille, de la lucemingotte, de la vite-saignée, de la sainte-valiyane, de la valiyane-bec-de-lièvre, de la sottefraise, de l’iglitsa. Crissements de l’odilie-des-foins, de la grande-odilie, de la chauvegrille ou calvegrillette. Sifflement monotone de la caracolaire-des-ruines. Les herbes avaient des couleurs diverses et même chacune avait sa manière à elle de se balancer sous le vent ou de se tordre. Certaines résistaient. D’autres s’avachissaient souplement et attendaient un bon moment, après le souffle, avant de retrouver leur position initiale. Bruit des herbes, de leurs mouvements passifs, de leur résistance.
Le temps s’écoulait.
Le temps mettait du temps à s’écouler, mais il s’écoulait. »
Antoine Volodine – Terminus Radieux
Le somnambule bailla et se décrocha la mâchoire qui tomba à ses pieds, il marcha dessus par mégarde et le craquement du maxillaire le réveilla en sursaut, ses dents avaient cruellement mordu le pied nu mais il ne put articuler un seul cri; un trou béant ornait maintenant le bas de son visage…Il prit son pied sanguinolent entre ses mains et ses jambes à son cou mais le sommeil le rattrapa et l’abattit d’un coup sec sur la nuque, les vertèbres cervicales volèrent en éclats, il n’eut que le temps de se souvenir des derniers mots entendus, d’une banalité affligeante: passe une bonne nuit…
